Chronique dans The French Touch

La composition de ce nouvel album a commencé alors même que Elend travaillait encore sur "Sunwar the dead". A cette époque le duo mène deux travaux de front, à savoir Elend et l'Ensemble Orphique. Au final faute de moyens les deux projets se rejoignent. Prévu à l'origine pour le début de l'année 2006, "A world in their screams" a subi un retard d'un an dù à des emplois du temps incompatibles entre les différents musiciens et à des problèmes de mixage. Vues les difficultés rencontrées, Iskandar Hasnawi et Renaud Tschirner jettent l'éponge et "A world in their screams" sera le dernier album d'Elend sous cette forme. Les deux musiciens ont usé leurs dernières forces dans cet opus, qui réunit trente instrumentistes et chanteurs classiques. Jamais Elend n'était allé aussi loin dans la démesure : ce troisième volume du "Cycle des vents" annonce la fin du monde, une atmosphère poignante de cataclysme imminent court tout au long du disque, impression maintenue en tension par les nuées de violons omniprésentes qui bourdonnent à nos oreilles comme autant de Parques tissant le destin du monde et s'apprêtant à trancher le fil.
Pour ce disque Elend a mis tous ses oeufs dans le même panier, réunissant ses expérimentations concrètes, ses jeux de programmation électronique, ses textes poétiques (en français cette fois-ci) et bien sûr tout son amour pour la musique classique. Comme les deux opus précédents le thème prédominant reste inspiré par la mythologie grecque et c'est ici à une véritable descente au royaume d'Hadès que l'on assiste. La mort rôde, la destruction est omniprésente et les dieux réclament des offrandes de sang. Contrairement aux précédents albums d'Elend où des passages calmes et ambiants permettaient de se reposer entre les envolées orchestrales, ici le rythme est soutenu tout au long des onze titres, le volume ne décroit jamais et la musique ne cesse à aucun moment son inquiétante oppression. "A world in their screams" se veut l'album le plus violent et le plus noir d'Elend et atteint parfaitement ce but, utilisant tout le langage musical lié à la mort et à la beauté, comme un suicide musical en grande pompe.
Elend achève plus tôt que prévu son "Cycle des vents", poussé par des problèmes financiers que l'intransigeance musicale et la faible médiatisation du duo expliquent en partie. Pour autant ce dernier opus n'est pas bâclé, loin de là, incarnant plutôt pour moi toute la force et le savoir-faire d'Elend. A ce jour personne n'a su comme Iskandar Hasnawi et Renaud Tschirner rendre une ambiance telle que celle-ci, directement héritée des artistes romantiques du 19e siècle. Les techniques musicales employées par ces deux musiciens, mêlant orchestre classique et avant-garde musicale, aboutissent aujourd'hui à un chef-d'oeuvre dont on ne peut que regretter qu'il signe en même temps la fin de la formation sous cette forme.

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