Chronique dans The French Touch
Duo franco-autrichien, Elend s'est depuis sa création démarqué du paysage musical actuel. S'adjoignant les services de chanteurs et musiciens classiques, les compositeurs Iskandar Hasnawi et Renaud Tschirner explorent depuis 1993 la limite entre gothique, musique neo-classique et expérimentations proche de la philosophie de la musique concrète. Après la trilogie baptisée "L'office des ténèbres" (composée des albums "Leçons de ténèbres" paru en 1994, "Les ténèbres du dehors" en 1996 et "The umbersun" en 1998), Elend a entamé avec "Winds devouring men" en 2003 un nouveau cycle, "Le cycle des vents", qui sera au final composé de cinq albums. Ces cinq disques devraient selon Elend voir le jour à intervalle régulier et rapproché, à un an ou un an et demi d'écart. Alors que "Winds devouring men" s'attardait sur des passages ambiants et mystiques à la Dead Can Dance, ce second volume renoue avec la violence et les rythmes plus prononcés. Inspiré comme son prédécesseur par la mythologie grecque, "Sunwar the dead" fait appel à un orchestre classique complet et à un choeur d'une cinquantaine de chanteurs, ce qui lui offre un son d'une ampleur inégalée jusqu'à présent par le groupe. La furie sombre et mortifère des passages classiques enlevés, les ambiances mystérieuses et inquiétantes, les sonorités industrielles héritées des compositeurs Pierre Henry et Iannis Xenakis, tout se mêle au gré des envolées assourdissantes de l'orchestre. En cela "Sunwar the dead" rappelle les travaux de Chaostar, jusque dans ses défauts. En effet les parties calmes et ambiantes succèdent sans aucune transition aux passages sauvages et grandiloquents, obligeant l'auditeur à jouer en permanence avec le volume de sa chaîne hi-fi. La meilleure solution pour éviter ce problème et pour rentrer dans cet album complexe est sans doute de l'écouter au casque.
Car "Sunwar the dead" demande à n'en pas douter un effort à l'auditeur qui voudra l'apprécier à sa juste valeur. Les orchestrations multiples, variant d'intensité et de thème à chaque morceau, ne lui faciliteront pas la tâche. Du murmuré "Chaomphalos" qui ouvre l'album, on passe vite à "Ardour" sur lequel se déchaîne une tempête de chant masculin. De nombreux titres, comme "Sunwar the dead" ou "La terre n'aime pas le sang", font appel à des cascades de violons et de percussions fracassantes, presque angoissantes dans leur frénésie. Les parties de chant sont elles aussi très différentes les unes des autres, passant de la récitation de poème antique au chant lyrique féminin, en français, anglais ou grec ancien. Cette multiplication d'influences, de parties musicales et chantées mène inévitablement au malaise lors des premières écoutes. Si vous osez passer ce cap, vous découvrirez un album fort riche, passionnant et bousculant la vision établie de la musique neo-classique.
Signé sur le label français Holy Records, spécialisé dans le metal, et généralement apprécié par le public metal, Elend n'a pourtant pas grand chose à voir avec ce style musical. Les amateurs de musique gothique peuvent se retrouver dans les oeuvres de la formation, tout comme ceux qui apprécient la musique classique ou la musique concrète. Pourtant Elend ne semble pas vraiment bénéficier d'un large public, ce qui est regrettable au vu de la qualité des compositions.
September 2004 Ptit Boy 5/6