Chronique dans Eklektik-Rock
Après le fabuleux « Winds devouring men » sorti l’année dernière, Elend nous livre avec « Sunwar the dead » la seconde partie de sa « quintologie ». Oui, vous avez bien lu, Elend prévoit de sortir un album concept divisé en 5 disques ! Si cette entreprise peut sembler un brin audacieuse, les 2 premiers volumes sortis en à peine un an et demi d’intervalle laissent supposer que la machine est bien lancée.
Le premier signe d’une continuité dans ces albums se trouve dans le digipack. Celui de « Sunwar The Dead » est en effet la parfaite déclinaison de celui de « Winds »...cette fois ci dans une ambiance bleutée. Cela laisse penser que les 3 albums à venir suivront le même model graphique. Cela peut paraître secondaire pour certains mais se révèle plus qu’appréciable pour ceux qui, comme moi, attachent beaucoup d’importance à la partie visuelle des albums. Ce soin apporté à l’aspect visuel prouve aussi que nous avons à faire à un groupe qui ne laisse rien au hasard et qui fait le maximum pour garder le contrôle sur tout ce qui touche à sa musique (Pour info, le groupe possède son propre studio et produit lui-même ses album).
Passons donc sur l’aspect visuel et attardons nous sur le contenu. Les franco-autrichiens poursuivent donc leur exploration musicale entamée sur « Winds » ou l’on voyait le groupe épurer sa musique et mettre en avant la sublime voix « dead-can-dancienne » du chanteur (lequel d’ailleurs ?). Parallèlement , Elend osait l’insertion de bruitages indus oppressants, une nouveauté dans la forme mais finalement pas si surprenante que ça de la part de musiciens qui ont toujours chercher à explorer différentes formes de violence musicale que ce soit au sein d’Elend ou de leurs projets parallèles.
Avec son titre évocateur, « Sunwar the dead » laisse d’emblée présager un album très sombre (Sachant que pour Elend, le terme « album sombre » relève du pléonasme ). « Chaomphalos » qui ouvre l’album démarre comme du Elend traditionnel avec ses chœurs célestes et installe au fur et à mesure ce qui sera l’ambiance générale de « Sunwar The Dead » : un climat sombre et oppressant où la lumière ne fait que de brèves apparitions.
Pour donner plus d’ampleur à leur musique, les 3 membres fondateurs (malheureusement séparés le temps de cet album de la vocaliste Nathalie Barbary) se sont entourés d’un véritable orchestre. Cela s’entend et donne aux compositions une ampleur qui sert à merveille les ambitions du groupe. Toutefois Elend ne cherche pas avec cet orchestre à donner dans le néo-classique ou quelque chose dans le genre. Ici on se rapproche davantage du travail de musique de film, notamment du film d’angoisse et de suspense avec ses accalmies et ses brutales interventions, celles qui, au cinéma, annoncent l’approche d’un ennemi ou la découverte d’un cadavre. Effectivement la joie n’est pas au rendez-vous. Si je devais faire un rapprochement avec un compositeur en particulier je penserais immédiatement au tchèque Wojcieh Kilar, en particulier avec la B.O du Dracula de Coppola. Le morceau « Blood and grey skies entwinned » avec sa terrible montée dramatique n’aurait pas fait tache (exception faite des vocaux) sur la B.O du film pré-cité.
Outre l’apport de l’orchestre, Elend poursuit son expérimentation à base de bruitages électro-indus, entamée sur l’album précédent. Ceux qui dérangeaient déjà sur « Winds » s’avèrent ici encore plus oppressants, parfois inquiétants comme cette intro de « The hemlock sea » donnant l’impression qu’un forcené frappe contre une porte en acier (Après chacun imaginera ce qu’il veut). Elend surprend aussi en incluant sur le morceau titre un beat tech/hardcore, très sourd, mêlé aux chœurs féminins, aux cordes et aux percus. Tout cela s’emmêle dans un tragique chaos pendant que la voix claire masculine, imperturbable, traverse ce morceau sereinement, semblant faire fit de l’agitation qui l’entoure. Assurément un des grands moment de l’album !
Il est évident qu’avec cet album, Elend ne cherche pas à chatoyer nos sens comme ils avaient pu le faire avec « winds ». Tour à tour, « Sunwar The Dead » séduit, inquiète, dérange et effraie. Seuls quelques rares instants de grâce subsistent au milieu des ténèbres comme le très mystérieux « Poliorketika », seul morceau ou la voix féminine apparaît en tant que chant et non comme un chœur.
Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas mettre de note à cet album, d’une part car Elend évolue dans son propre univers sans réelle concurrence mais aussi car cet album faisant partie d’une série pour l’instant à peine entamée, on ne pourra réellement juger de son intérêt qu'une fois la série aboutie. À l’image de cette mystérieuse photographie qui se décline le long des livrets des deux album (et très certainement sur les prochains), cet album n’est que la seconde étape d’une longue métamorphose qui risque de nous réserver encore quelques surprises. Nul doute que les éléments mis en place lors de « Winds » et « Sunwar The Dead » ne sont qu’une préparation pour l’auditeur à affronter ce qui va suivre...
Joss
chronique du jeudi 23 septembre 2004 note : --/20